Charles Konan Banny, nouveau président de la CNC: Le décryptage d’André Silver Konan

Le nouveau et premier président de la Coalition nationale pour le changement (CNC) s’appelle Charles Konan Banny. Le nouveau porte-parole est Jean Jacques Béchio, un triple transfuge du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI d’Henri Konan Bédié) puis du Rassemblement des républicains (RDR d’Alassane Ouattara) puis de LMP (ex-majorité présidentielle de Laurent Gbagbo). Le programme de gouvernement est l’affaire de Martial Ahipeaud. La nouvelle composition du bureau de la CNC a été faite ce mercredi 22 juillet, en présence de Laurent Akoun de la tendance du FPI que revendique Aboudrahamane Sangaré, et en absence de Mamadou Koulibaly, le président de Liberté et démocratie pour la République (Lider). Décryptage.

Désormais, l’opposition “radicale” (pas tout à fait) en Côte d’Ivoire a un chef : Charles Konan Banny. Je note que le clan Banny a fini par prendre le pouvoir sur le clan Koulibaly. Le second ayant traité le premier, d’”Ivoiritaire”, néologisme péjoratif, pour désigner ceux à qui on prête à tort ou à raison, un sentiment nationaliste qui frôle la xénophobie.

Cela ressemble bien à une petite révolution de palais, ce que d’autres qualifieraient de putsch sans effusion de sang. En effet, la CNC, c’est l’idée de Koulibaly. Elle lui a visiblement échappé. Banny qui finançait persque seul (si je ne m’abuse) ses activités prouve bien que l’argent est le nerf de toute guerre et le talon d’Achille des autres prétendants au titre de candidat unique de l’opposition ‘radicale”.

Par ailleurs, le fait que l’ex-président de l’Assemblée nationale ne souhaite pas entrer dans le bureau et décline l’offre d’élaboration du programme commun de gouvernement, alors qu’il est le seul opposant ivoirien à disposer d’un programme de gouvernement complet, est la preuve qu’il a pris ses distances d’avec la coalition. Deux choix s’offrent désormais à lui: claquer la porte à la CNC ou créer une nouvelle coalition, même informelle, avec Essy Amara.

D’ailleurs à propos du candidat Essy, il est curieux que l’un de ses soutiens de poids, en l’occurence Anaky Kobena, le président contesté ou déchu (c’est selon) du Mouvement des forces d’avenir (MFA) dépose officiellement sa valise à la CNC, alors que son candidat ne l’a pas encore fait et ne le fera sans doute pas. Même s’il le fait, je ne vois pas comment il pourrait être le candidat unique de la CNC, au détriment de Banny.

A mon avis, et je peux me tromper, l’absence visible des hommes du FPI-Sangaré au très stratégique porte-parolat a deux explications. La première, c’est que le FPI-Sangaré n’a pas renoncé à boycotter la présidentielle, “tant que Gbagbo est à la CPI”. Au mieux (ou au pire, c’est toujours selon), je pense que cette tendance du FPI pourrait sortir, dans les prochains jours, la carte de la candidature de Gbagbo et cela mélangerait bien de calculs. La deuxième est que Banny ne fait pas suffisamment confiance à ses alliés qui ont cette fâcheuse habitude de dire “oui” et de faire “non”. Le maintien de l’appel au boyoctt du recensement électoral et l’organisation de marches éclatées en sont les preuves.

En définitive, à trois mois de la présidentielle, l’opposition ivoirienne continue de montrer une bien pâle image. Pascal Affi N’Guessan, le président légal ou contesté (c’est encore selon) du FPI, a définitivement perdu les voix des irréductibles pro-Gbagbo, même s’il a le mérite de réussir à se tailler un électorat propre. Essy Amara peine à entrer dans le moule des “45% de voix de Gbagbo”.

Et pendant ce temps, le président sortant Alassane Ouattara, fort de l’Appel de Daoukro, et de son bilan en quatre ans; investit le terrain et marque des points. La victoire de sa coalition, dès le premier tour (certes avec un taux de participation moins elevé que celui de 2010, du fait de l’absence dans la compétition de deux poids lourds comme Bédié et Gbagbo), à l’heure où j’écris ces lignes, ne fait l’ombre d’aucun doute.

Quant à Charles Konan Banny, 73 ans, qui confie, sans rire, qu’il proposera aux Ivoiriens, ce qu’il compte faire pour eux, si et seulement si, il est élu; même s’il est convaincu que le FPI-Sangaré va appeler à voter pour lui (un appel hypothétique qui ne lui garantirait pas, pour autant, la victoire); il aura au moins gagné de réaliser un rêve: se faire appeler président. Président de la CNC...

André Silver Konan
Jouranliste-écrivain

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