Cote d'ivoire: Mutineries interminables : L' effet domino
Quand, le vendredi 6 janvier 2017, les éternels soldats rebelles de Bouaké se sont mutinés, aucune sanction ne leur fut appliquée.  Bien au contraire, le président a commis une erreur à la fois politique et tactique, en leur offrant une prime exceptionnelle de 12 millions de francs.
 
Cette faute était grave et je l'ai signalée en son temps, et prédisant que désormais, d'autres corps d'armées prendraient les armes pour braquer la République en plein jour.  Depuis, les ''Forces'' prétendument ''Spéciales'' se sont mutinées elles aussi pour ''exiger'' 17 millions par tête. Des gendarmes se sont fait entendre, ainsi que les démobilisés, qui jadis avaient rendu leurs fusils pour des ''miettes''.  Ces derniers ''exigent'' désormais 18 millions de francs chacun.  La boîte de Pandore avait été ouverte dès lors que les premiers mutins de janvier avaient obtenu 5 millions de francs en 96 heures, assortis d'une promesse ferme de 7 millions supplémentaires.  Dans les pays démocratiques et forts, la mutinerie est un crime passible de la peine de mort.  C'est toujours ainsi aux États-Unis d'Amérique.  Le code pénal de justice militaire le sanctionnait par la peine de mort en Angleterre - par pendaison - jusqu'en 1998. Au lieu de la pendaison, les nôtres ont obtenu une prime exorbitante à la mutinerie!
 
Il est très apparent aux yeux de tous que l'État aujourd'hui n'a plus les moyens d'honorer ces engagements financiers qui furent pris sur la pression des canons de fusils sur la tempe du chef de l'État.  D'abord, les prix du cacao ont chuté brutalement, asséchant les caisses de l'État, au point que le gouvernement a été contraint de réduire de 10% le budget de l'État, qui ne prenait même pas en compte la centaine de milliards de dépenses imprévues, générées par les mutineries.
 
Les Ivoiriens sont fatigués, exténués par ces mutineries itératives, qui ternissent l'image de leur pays et humilient leur président, qui, visiblement, n'est plus le chef suprême des armées.  Il a avoué avoir été ''meurtri'' par celles de janvier dernier; on s'imagine qu'il est royalement humilié cette fois-ci.  Car, 24 heures avant, un fanfaron du nom de ''sergent Fofana'', se mettait au garde à vous devant lui, s'exprimant, disait-il, au nom des mutins de janvier, pour promettre de rentrer dans les rangs et de renoncer totalement à toute autre revendication pécuniaire, y compris l'abandon de la réclamation des 7 millions de francs déjà promis.  D'où sortait donc ce saltimbanque?  Qui l'a recruté pour aller faire son numéro au palais présidentiel afin d'humilier le président?  Les têtes des conseillers qui ont réussi la prouesse d'une telle forfaiture devraient rouler par terre!
 
Le problème particulier de ce président, est que ses collaborateurs les plus proches, conscients de leurs insuffisances, ils voient leur chef comme Dieu en personne qu'ils n'ont rien à lui proposer, ni à lui conseiller, encore moins à lui déconseiller . Un homme peut-il conseiller son Dieu?.  Si M. Ouattara avait eu les conseillers qu'il mérite, il n'aurait jamais dû céder devant la soldatesque en janvier dernier; il ne leur aurait jamais distribué 5 millions de francs chacun, séance tenante, en sommes non budgétisées.  Quand nous étions professeurs, sous le Premier ministre Ouattara en 1991, après 9 mois de service, il nous avait versé un rappel de salaire de 874.000 fcfa.  Une seule fois pour toute une vie laborieuse, après de longues études.  Voilà des analphabètes, qui ignorent jusqu'au sens du mot ''militaire'', qui ont trouvé du boulot par la force des choses, et qui empochent 5 millions de francs en un jour de grogne, et qui ''exigent'' 7 millions supplémentaires.  Pas mal pour des paysans, mécaniciens, des repris de justice, qui furent habillés de treillis par le MPCI, pour combattre le régime précédent.  Sans la rébellion, ces gens-là ne seraient jamais rien devenus.  À présent, ils sont des millionnaires et des propriétaires immobiliers!  Ils roulent en voitures, parfois arrachées à d'honnêtes citoyens.
 
Ils n'ont aucune notion de ''discipline'' : ils ne respectent pas plus le Général de division, Sékou Touré, chef d'État-major des armées, que le chef de l'État, chef suprême des armées.  Comme des caïds qu'ils sont, ils ne comprennent que le langage de la force brutale.  Ils osent dire, à l'endroit du président : ''Ça ne se passera pas comme ça.  On est prêts à aller jusqu'à l'affrontement''.
 
Les Ivoiriens sont fatigués.  Ils sont agacés par ces coups de feu qui n'en finissent plus.  Ouattara devrait utiliser ce ressentiment général pour mettre les pieds dans les plats et leur jeter à la figure : ''Vous êtes impolis et insolents.  Vous êtes violents et je ne vous donnerai plus rien, pas un centime de plus. Faites ce que vous voulez.  Si vous voulez prendre le pouvoir, venez donc faire un coup d'État et bonne chance à vous!''  Amadou Haya Sanogo l'a appris au Mali à ses dépens; Isaac Zida et Diendéré l'ont aussi appris au Burkina Faso; personne ne peut prendre le pouvoir aujourd'hui en Afrique de l'Ouest, par coup d'État, et le conserver au-delà de 48 heures.  Le grand Blaise Compaoré lui-même, malgré sa grande expérience, n'a pas pu peaufiner son coup d'État constitutionnel, pour s'éterniser au pouvoir au Burkina Faso, en octobre 2014.  En 48 heures, il fut balayé du pouvoir!
 
Cette énième mutinerie est une occasion inespérée pour le président Ouattara pour reprendre du poil de la bête.  Qu'il dise donc à ces braqueurs d'État qu'il ne leur versera plus un centime supplémentaire.  Il est temps, pour des raisons tactiques, de les pousser à la faute!

Dr Famahan SAMAKÉ. 

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