200 milliards de f.cfa. Un chiffre à donner du tournis. Une élection incroyablement chère. Comment le choix d’un président dans un pays en voie de développement comme la Côte d’Ivoire peut s’avérer aussi coûteux ? Les raisons sont multiples qui tiennent à la fois d’un processus extrêmement complexe et de reports successifs du scrutin présidentiel. Processus extrêmement complexe ? Il existe une multiplicité d’acteurs qui interviennent dans le mécanisme. On citera : la Commission électorale indépendante- c’est elle qui coiffe tous les autres acteurs, la Commission nationale de supervision de l’identification, l’Office national de l’Identification, l’Institut national de la Statistique et la Société Sagem-sécurité. Cette dernière- fruit de la crise de confiance entre les acteurs politiques- s’est révélée un véritable gouffre financier. Qui donc est Sagem ? Elle est une filiale du groupe français Safran. En mai 2002, sous Emile Boga Doudou, le défunt ministre de l’Intérieur, l’opérateur avait été désigné pour la confection des nouvelles cartes d’identité sécurisées. Le contrat s’élevait déjà à 46 milliards f. cfa. Sagem s’était choisie comme partenaire la Société ivoirienne de télécommunications (Sitel) dirigée par l’homme d’affaires François Bakou. L’éclatement de la crise armée- le 19 septembre 2002- a conduit à des bouleversements. Ceux qui, à l’époque, avaient attaqué le pays ont prétexté de problèmes identitaires. Décembre 2005, après que Charles Konan Banny a débarqué à la primature, le pays a lancé un appel d’offres international pour sélectionner l’opérateur technique qui se chargera de faire l’identification et le recensement électoral. A cet exercice, Sagem est sortie victorieuse. Elle était opposée au belge Zetes- qui s’est occupé de l’identification en RD Congo et à Germalto, leader européen de la carte à puce. L’offre financière de Sagem qui était initialement de 5 milliards f. cfa a connu un bond extraordinaire et est passé après des discussions à 48 milliards f.cfa. Au moins 17 milliards f.cfa- montant additionnel- ont été prévus pour l’équipe technique de la Primature et les autres structures : Ins, Oni, Cnsi. Toutes ces prévisions ont été contrariées par la crise politique. Charles Konan Banny a quitté la Primature laissant la place à une nouvelle équipe. De nouvelles négociations ont été menées : l’identification et l’enrôlement devaient être réalisés en quarante cinq jours pour un coût de 68 milliards f. cfa. Le montant était ainsi réparti : 48 milliards f. cfa pour la prestation de l’opérateur français Sagem, 12 milliards f. cfa pour les partenaires techniques et 8 milliards f. cfa pour les assurances. Le processus devant conduire à l’élection présidentielle est véritablement coûteux ! Les 45 jours prévus pour réaliser l’identification n’ont pas été respectés, l’opération ayant duré de septembre 2008 à juin 2009. Sagem a joliment négocié son contrat. Chaque semaine supplémentaire coûtait à l’Etat ivoirien 2,5 milliards de plus. L’opérateur français avait finalement réclamé la somme de 160 milliards f. cfa à la Côte d’Ivoire. De quoi précipiter un voyage à Paris, le 16 juillet 2009, du ministre l’Economie et des Finances, Charles Koffi Diby et de Sidi Mohamed Kagnassi, représentant les intérêts de la société Sagem à Abidjan….Sagem-sécurité a été choisie très probablement pour son expertise. L’opérateur a été surtout désigné pour servir de structure accompagnatrice à l’Institut national de la Statistique. L’objet ? Rassurer certains acteurs- d’opposition- qui ont eu une inclination à douter de l’impartialité de l’INS, structure publique. 
Les multiples reports de l’élection ont entraîné des coûts additionnels et conféré à la Côte d’Ivoire, le titre de pays sous-développé en passe d’organiser une élection plus que jamais coûteuse. 200 milliards f. cfa pourraient avoir été mobilisés au soir du 31 Octobre 2010. Peut-être un peu plus. Le Directeur général de l’Economie, Kouassy Oussou, a indiqué, lors d’une cérémonie, le week-end dernier, à Bouaké, que le premier tour de la présidentielle devrait coûter plus de 100 milliards f. cfa. Et la Côte d’Ivoire est encore à la recherche d’espèces sonnantes pour tenir une élection particulièrement chère. 

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